Ed Gein : ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas dans la série Netflix
La série Monstre invente beaucoup autour d’Ed Gein : voici ce qui est vrai, faux ou totalement romancé dans L'Histoire d'Ed Gein de Netflix.
Les habitants de Plainfield, dans le Wisconsin, pensaient avoir affaire à un fermier discret. Ils ignoraient qu’Ed Gein allait devenir l’un des criminels les plus glaçants du XXe siècle. C’est cette figure trouble, surnommée “le Boucher de Plainfield”, que Ryan Murphy a choisi de remettre en lumière dans la nouvelle saison de Monster, disponible depuis le 3 octobre sur Netflix.
Charlie Hunnam y campe un Ed dérangeant à souhait, dont les crimes ont inspiré certains des plus grands classiques du cinéma d’horreur : Psychose, Massacre à la tronçonneuse ou encore Le Silence des agneaux. Ryan Murphy résume bien le paradoxe du personnage :
« C’est probablement l’un des hommes les plus influents du siècle dernier, et pourtant, personne ne le connaît vraiment ».
Mais contrairement à Dahmer, cette saison ne cherche pas à raconter la vérité. Le réalisateur préfère explorer le mythe autour du tueur : ce qu’il a inspiré, la peur qu’il a semée et surtout la vision déformée qu’il avait du monde. Car avec sa schizophrénie, difficile de savoir ce qui relève du réel ou de l’hallucination. Et c’est là tout le trouble de la série : on ne sait plus toujours ce qui est vrai ou inventé. Alors, pour ceux qui veulent découvrir ce qu’Ed Gein a vraiment fait (ou pas fait), voici les faits.
Ed Gein déterrait-il des cadavres ?
Oui. Et souvent. Du moins selon ses propres aveux. Entre 1947 et 1952, Ed Gein a déclaré s’être rendu jusqu’à une quarantaine de fois dans différents cimetières du comté de Waushara, dans le Wisconsin. La plupart du temps, il agissait après avoir lu les avis de décès de femmes qui lui rappelaient sa mère, Augusta.
Lors de ses interrogatoires, il a expliqué que ces expéditions nocturnes n’aboutissaient pas toujours : dans près de 30 cas, il affirmait repartir sans rien toucher, “comme s’il se réveillait d’un cauchemar”. En revanche, il a reconnu avoir déterré au moins neuf corps de femmes récemment enterrées.
Pour vérifier ses déclarations, les enquêteurs ont rouvert trois tombes qu’il avait lui-même désignées :
- la première était vide,
- la deuxième contenait quelques os et des outils abandonnés,
- la troisième montrait un corps partiellement manquant, exactement comme il l’avait décrit.
Ces vérifications ont suffi à confirmer la véracité de ses propos : Ed Gein exhumait bien des cadavres. Il prélevait parfois un corps entier, parfois seulement certaines parties, qu’il utilisait ensuite pour confectionner ses objets et costumes macabres.
Ed Gein était-il marié avec Adeline ?
C’est ici que Netflix s’accorde ses plus grandes libertés. Dans la série Adeline apparaît comme une complice fascinée par la noirceur d’Ed. Elle découvre ses cadavres, les photographie, et semble même l’encourager dans sa folie. Mais plus la série avance, plus le doute s’installe. Et quand, dans le dernier épisode, la jeune femme réapparaît (sans avoir pris une ride alors qu’Ed, lui, est âgé et interné) le spectateur comprend : Adeline n’a jamais existé. Elle n’est qu’une projection, née de l’esprit malade du tueur.
Dans la réalité, pourtant, une Adeline Watkins a bien existé. Une femme de Plainfield qui connaissait Ed Gein et disait avoir eu quelques rendez-vous avec lui. Lors de l’arrestation du tueur, son nom est rapidement sorti dans la presse.
Elle affirmait alors avoir entretenu une relation avec lui, avant de se rétracter quelques jours plus tard, expliquant que les médias avaient tout exagéré. Elle n’aurait jamais mis les pieds chez lui et prétendait à présent ne “pas vraiment le connaître”. Alors, a-t-elle eu peur d’être mêlée à l’affaire ? Ou voulait-elle simplement attirer l’attention ? On ne le saura sans doute jamais.
Ce que l’on sait en revanche, c’est qu’Ed Gein n’a jamais évoqué son nom dans ses interrogatoires, ni mentionné la moindre femme dans sa vie. Le tueur de Plainfield n’a jamais été fiancé, encore moins marié.
A-t-il fabriqué des masques en peau humaine ?
Malheureusement, oui. Lors de la perquisition de 1957, les enquêteurs découvrent un véritable cauchemar : masques et vêtements confectionnés à partir de peau humaine, crânes transformés en bols, mobilier recouvert de chair tannée…
Cette macabre “collection” est le reflet de son rapport trouble à sa mère, qu’il vénérait autant qu’il craignait. Pour “devenir comme elle”, Ed Gein a façonné un costume de femme à partir de cadavres. Une scène que la série de Ryan Murphy restitue fidèlement.
Ed Gein était-il cannibale ou nécrophile ?
Non. Aussi terribles que soient ses actes, aucun acte de cannibalisme avéré n’a jamais été prouvé. Les enquêteurs et psychiatres n’ont jamais découvert de trace de consommation de chair humaine.
De même, il n’a jamais été confirmé qu’il ait eu des relations sexuelles avec des cadavres. Ed Gein aurait expliqué qu’il ne pouvait pas “avoir de relations avec les corps, car ils sentaient trop mauvais”.
Son horreur se situait ailleurs : dans le besoin de reconstituer, à travers ces corps volés, l’image déformée de sa mère, Augusta — la seule femme qu’il ait jamais aimée… ou crainte.
Combien de personnes a-t-il tuées ?
Deux… du moins officiellement. Mary Hogan, tenancière de bar, en 1954. Puis Bernice Worden, propriétaire d’un magasin de quincaillerie, trois ans plus tard. Les enquêteurs ont longtemps suspecté Ed Gein d’autres disparitions dans la région, mais il a passé le détecteur de mensonges haut la main, comme montré dans la série, qui fait d'ailleurs un hommage à Mindhunter.
A-t-il tué des membres de sa famille ?
La série montre Ed tuant son frère Henry. En réalité, rien ne permet de l’affirmer avec certitude. Henry Gein est mort en 1944 lors d’un incendie suspect, alors qu’il aidait Ed à brûler de la végétation autour de leur ferme.
Lorsque les secours arrivent, c’est Ed lui-même qui les conduit directement jusqu’au corps, retrouvé face contre terre, sans trace de brûlure. Les autorités concluent à une mort accidentelle par asphyxie, mais cette version a toujours suscité le doute, d’autant qu’Henry envisageait de quitter la ferme familiale et de se marier, rompant ainsi avec l’emprise de leur mère Augusta.
Un an plus tard, cette dernière succombe à une attaque cérébrale. Un choc psychologique pour Eddie qui marquera le véritable basculement dans sa folie.
Est-il vraiment mort dans un hôpital psychiatrique sans jamais avoir été jugé ?
Pas tout à fait. Dans la série, Ed Gein semble finir ses jours interné, sans jamais avoir eu affaire à la justice. En réalité, il a bel et bien été jugé, même si son procès a pris du temps. Arrêté en 1957, il est d’abord déclaré inapte à comparaître à cause de troubles mentaux graves et envoyé au Central State Hospital for the Criminally Insane, à Waupun. Ce n’est qu’en 1968 qu’un psychiatre le juge apte à passer devant le tribunal.
Reconnu coupable du meurtre de Bernice Worden, mais irresponsable de ses actes pour cause de folie, Ed Gein n’a donc pas été condamné à la prison, mais à un internement à vie dans un hôpital psychiatrique. Il restera un patient modèle pendant des années, jusqu’à sa mort en 1984, au Mendota Mental Health Institute de Madison, des suites d’un cancer.
Et pour répondre à la question qu’on se pose tous : oui, Ed Gein avait été diagnostiqué schizophrène par plusieurs experts, comme évoqué dans la série.
Et la scène de la tronçonneuse ?
C’est une pure invention, mais une référence évidente. Dans Monstre, Ed Gein abat deux chasseurs à la tronçonneuse, dans une scène d’une violence extrême qui semble tout droit sortie d’un film d’horreur des années 1970. Et ce n’est pas un hasard : Ryan Murphy rend ici un hommage direct à Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (1974), dont le célèbre tueur Leatherface est inspiré d’Ed Gein.
Dans la réalité, Ed Gein n’a jamais utilisé de tronçonneuse, ni même d’arme blanche pour tuer. Ses deux meurtres avérés — ceux de Mary Hogan en 1954 et Bernice Worden en 1957 — ont été commis avec une arme à feu. Le “boucher de Plainfield” ne découpait pas ses victimes vivantes : il prélevait des parties de corps sur les cadavres qu’il déterrait, après leur mort.
En intégrant la tronçonneuse, il ne cherche pas à raconter ce qu’Ed Gein a fait, mais ce qu’il a inspiré. La séquence symbolise la manière dont son histoire a nourri l’imaginaire de tout un genre — du Leatherface de Hooper à Buffalo Bill dans Le Silence des agneaux, en passant par Norman Bates de Psychose.
Autrement dit : la tronçonneuse appartient à Hollywood, pas à Ed Gein.
Ed Gein a-t-il vraiment tué une baby-sitter ?
Non, tout cela est une invention. Dans la série, Ed Gein devient baby-sitter pour prouver à Adeline qu’il pourrait être un bon père. Il garde deux enfants, tente maladroitement de les amuser… avant de les terroriser en leur montrant un doigt coupé puis en enfilant son masque de peau.
Dans la réalité, Ed Gein n’a jamais gardé d’enfants, ni cherché à le faire. L’homme vivait seul, reclus dans sa ferme de Plainfield et avait assez peu de contact avec des familles du voisinage.
Cette intrigue trouve son origine dans un fait divers réel : la disparition d’Evelyn Hartley, 14 ans, en 1953, alors qu’elle faisait du baby-sitting à La Crosse, dans le Wisconsin.
Parce qu’il se trouvait dans la région à cette période, Ed a brièvement été considéré comme suspect. Mais il a nié toute implication, passé avec succès deux tests au détecteur de mensonges, et aucun lien n’a jamais été établi entre lui et l’affaire. En 1957, la police a officiellement écarté Ed Gein du dossier. Netflix a donc choisi de fusionner ces deux histoires — celle du tueur et celle de la jeune disparue — pour nourrir la fiction.
Ed Gein a-t-il vraiment été interrogé par le FBI à la fin de sa vie ?
Non, cette scène est une invention complète. Dans le dernier épisode de la série, on voit un Ed Gein vieillissant, interné, interrogé par le FBI au sujet d’un tueur qui s’en prend à de jeunes femmes — Ted Bundy. Mais dans la réalité, rien de tout cela n’a jamais eu lieu.
Quand le FBI commence à profiler les tueurs en série dans les années 1970 — notamment via la Behavioral Science Unit — Ed Gein est déjà institutionnalisé depuis plus de quinze ans, loin du monde extérieur. Il n’a jamais été consulté, interrogé ou approché par les enquêteurs fédéraux.
Les seuls entretiens connus avec Ed Gein remontent à 1957–1958, juste après son arrestation, menés non pas par le FBI, mais par la police du Wisconsin. Ces enregistrements, remis au goût du jour dans le documentaire Psycho: The Lost Tapes of Ed Gein, ont d’ailleurs servi de base à Charlie Hunnam pour composer son rôle : timbre de voix, débit hésitant, calme glaçant… une méthode proche de celle d’Evan Peters pour incarner Jeffrey Dahmer.
Cette scène d’interrogatoire n’est donc pas là pour raconter un fait réel, mais pour rendre hommage à la série Mindhunter, également produite par Netflix et David Fincher. Dans Mindhunter, les premiers agents du FBI développaient la psychologie criminelle en interrogeant des tueurs en série comme Ed Kemper — un travail de pionniers que la plateforme avait brutalement interrompu après la saison 2. En revisitant cette scène imaginaire, Monster semble boucler la boucle : une façon pour Ryan Murphy de saluer la série culte que Netflix a enterrée trop tôt.